Adorables, trognons, trop mignons, trop choux, nombreux sont les qualificatifs employés pour désigner l’adorable petit cochon rose, gambadant avec insouciance dans les prés, poursuivi inéluctablement par une queue tire-bouchonnée. Et d’autres encore peuvent venir, car nous ne sommes jamais à court d’idée pour en parler : ravissants, charmants, désirables, exquis, voire délicieux… Déjà, la dérive s’annonce. Si les yeux s’extasient à la vue de ces petits cochons, nos papilles les rejoignent dans cet amour.



Mais dotons derechef ces cochons de quelques caractéristiques supplémentaires. D’abord, qu’ils grandissent au sud des Pyrénées. Un peu de soleil, cela n’a jamais fait de mal. Ajoutons du sel, du piment (espagnol, cela va de soit) et pourquoi pas de l’origan, et hop ! Voilà, un succulent chorizo.

Oh rage ! oh désespoir ! le cochon a péri…
N’a-t-il donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et n’est-il apprécié par les vils charcutiers
Que pour voir en un jour mourir ses porcelets ?
Et ce chorizo que toute l’Espagne admire,
Chorizo tant de fois a nourri cet Empire,
Tant de fois rassasié l’estomac de son roi,
Trahi donc mon jambon et ne fait rien pour moi ?…
 

Oui, c’est un fait, le cochon est bien triste. Comme bien des artistes, c’est à titre posthume qu’il est le mieux apprécié. En salade ou en cake, voire en moelleux tapas, le chorizo ne sera jamais tant aimé qu’une fois cuisiné. Et le plus beau, avec cet ingrédient, c’est l’aisance que l’on a à le glisser dans tous nos plats. Il relève à merveille, apporte son piquant, avec du fromage de chèvre le mélange est détonnant.






Reste donc à mettre de côté les remords qui nous serrent le cœur, pour pouvoir déguster ce met de choix avec un grand bonheur. Après tout, depuis que l’homme est homme, nous mangeons le cochon. C’est un fait, et les végétariens n’y changeront rien. Alors, le plus bel hommage que l’on puisse faire à cette bête mal-aimée, c’est de prendre plaisir à la déguster.